Sac de Sable (ou SDS) : terme Ă la fois affectueux et un peu moqueur pour dĂ©signer une personne que lâon prend en passager moto. Pour ma part, câest avec ce statut que je suis montĂ©e pour la premiĂšre fois sur des gros cubes. Rien Ă voir avec ma 125, quâil sâagisse de la puissance, de la façon de conduire ou de piloter, et plus simplement, du bruit de la bĂȘte. Câest souvent lâoccasion de dĂ©couvrir des bĂ©canes que je ne pourrai jamais mâoffrir, conduire, des monstres dont je nâoserais mĂȘme pas croiser les phares dans la rue. Et quand bien mĂȘme je pourrais vaguement les essayer, jamais il ne me sera possible dâen dĂ©couvrir les pleins potentiels. Câest lĂ lâun des principaux intĂ©rĂȘts dâĂȘtre SDS.
La trĂšs large majoritĂ© des motards refuse de ne pas ĂȘtre aux commandes : ils sont conscients de lâimportance dâĂȘtre (presque) irrĂ©prochable dans la conduite, la moindre petite erreur pouvant entraĂźner de graves consĂ©quences. Jâavoue quâil mâest un peu plus difficile dĂ©sormais de ne plus ĂȘtre au guidon. Mais la curiositĂ© est toujours plus forte que moi, et pour exploiter au mieux lâexpĂ©rience de passager moto, il faut ĂȘtre capable dâaccorder sa confiance quasi absolue (ce nâest pas pour rien que le SDS est souvent un conjoint). Pour ma part, seulement deux motards jouissent de ce privilĂšge : câest lĂ que lâexpĂ©rience devient totale et intense.
Il ne sâagit plus dâune balade, dâune sortie comme une autre oĂč le paysage dĂ©file, oĂč lâon pense au confort ou inconfort de la selle, Ă la vitesse ou Ă la lenteur, et qui se conclut habituellement par un « Sympa non ? ». La vraie expĂ©rience SDS, câest de la moto Ă proprement parler. Le passager moto devient un copilote, anticipant Ă la fois la route et les rĂ©actions du motard.
Le virage arrivant, tendre lâoreille : accĂ©lĂšre-t-il ou rĂ©trograde-t-il ? Faut-il alors dĂ©porter son poids sur le cĂŽtĂ©, ou se prĂ©parer Ă la dĂ©cĂ©lĂ©ration ? Et la sortie de courbe ? Progressive ou Ă©nergique ? ManĆuvre dâĂ©vitement ou freinage ? Et Ă lâentrĂ©e de chaque bled, un Ă©tat des lieux, une remarque, un conseil, une demande, lâexpression dâune peur ou au contraire, de lâenthousiasme, des rires. Et lâon repart. Repositionnement, regard panoramique, vigilance et concentration extrĂȘme. La sensation la plus dĂ©stabilisante est paradoxalement celle dâĂȘtre Ă la fois sur le fil et serein. Dans les cas les plus intenses, un Ă©tat de transe intervient : on peut toucher de la main lâherbe des bas-cĂŽtĂ©s comme lorsque lâon effleure la surface de lâeau⊠Le temps ne se rĂ©sume plus quâĂ un prĂ©sent Ă deux roues dĂ©filant sur la route incertaine de lâavenir. Il nây a en ces instants que la certitude absolue de la vraie nature de la vie : fragile, essentielle, autant contrĂŽlable quâalĂ©atoire.
Pour cette raison, le passager ne devrait pas ĂȘtre comparĂ© Ă un poids mort, car le passager, câest une extension de soi. Câest Ă cette prise de conscience que lâon identifie un motard responsable. La question la plus importante nâest pas celle de la vitesse et de la conduite, mais bien celle de la considĂ©ration.
Câest prĂ©cisĂ©ment pour cette raison quâaccepter dâĂȘtre passager moto est Ă bien des Ă©gards bien plus audacieux que de se mettre au guidon.
Texte : Marie Proisy ; Photos : zone_v4
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