Il y en a pour qui le coup de foudre a Ă©tĂ© instantanĂ© : au premier regard portĂ© sur la machine, au premier ronronnement du moteur, au premier dĂ©brayage, au premier kilomĂštre/heure, ils ont su. Pour dâautres, lâamour date de leur plus tendre enfance : il y avait un pĂšre ou une mĂšre, un oncle ou un frĂšre, une sĆur ou une amie, un amoureux ou une amoureuse, un voisin ou une lĂ©gende qui les inspirĂšrent, et dĂšs quâils eurent lâoccasion dâenfourcher une cylindrĂ©e ou dâen dĂ©couvrir les entrailles, ils plongĂšrent tĂȘte la premiĂšre. Ils rĂȘvĂšrent dâune Ă©lĂ©gante Anglaise, dâune Italienne volcanique, dâune Japonaise audacieuse, ou dâune provocante AmĂ©ricaine⊠Et aprĂšs des annĂ©es de fantasmes, arriva le jour oĂč ils firent la rencontre de leur premier amour : ils tournĂšrent autour, jugeant de lâallure et de la mĂ©canique de la belle. Ils passĂšrent la premiĂšre, et câĂ©tait trop tard : rien ni personne ne pouvait arrĂȘter ces fous de la route.
Puis, il y en a dâautres, comme moi, qui nâont pas grandi avec des motards. Mon premier contact avec la moto fut superficiel et enfantin : il sâagissait dâune Ducati, mais pas nâimporte quelle Ducati ! La Superbike 999 de Lara Croft dans Tomb Raider sur Playstation 2. Une femme qui pilote un engin de mort sur les toits de Tokyo ! De quoi faire rĂȘver une gamine⊠Puis ce fut au tour de la Kawasaki ZZR 250 jaune de lâhĂ©roĂŻne de Kill Bill de faire briller les yeux de lâadolescente que jâĂ©tais. Impossible pour moi de mâimaginer chevaucher des bĂȘtes pareilles : je nâĂ©tais ni archĂ©ologue richissime, ni tueuse Ă gages formĂ©e au maniement du katana.
Il a fallu attendre mes 24 ans pour que je saute le pas. La timiditĂ© et lâimpression que cette passion Ă©tait rĂ©servĂ©e aux hommes me confortaient encore dans lâidĂ©e que ce monde ne pouvait mâappartenir. Puis, je dĂ©couvris la mĂ©canique. Je me passionnai alors pour le dĂ©sossage dâYBR (faut bien commencer quelque part). Ainsi, lorsque lâon me demandait de dĂ©monter le carburateur, je mâexĂ©cutais avec un tel zĂšle que je le dĂ©montais complĂštement. Se trouvaient alors sur une des tables du garage, des Ă©lĂ©ments de bĂ©canes complĂštement dĂ©cortiquĂ©s, « juste pour voir comment ça marche », au grand dĂ©sespoir de mon premier maĂźtre en la matiĂšre.
Et jâai craquĂ© : je rĂ©servai ma premiĂšre 125 avant mĂȘme dâavoir passĂ© la formation. Il fallait que je sache comment fonctionnait tout ce petit monde une fois assemblĂ© ! Je dĂ©couvris alors les trails Kawasaki de la moto-Ă©cole, grand traumatisme du fait de leur hauteur et des dĂ©rapages sur gravier pendant la circu. MalgrĂ© les remarques de mon moniteur pour mâinciter Ă prendre un scooter, je bataillai, obtins mon permis A1, et partis quelques jours aprĂšs chercher ma belle et bleue premiĂšre moto. Vous sourirez sĂ»rement en lisant que je trouvais la Yamaha YBR de 2008 intimidante : « Jamais jâarriverai Ă conduire ça ! » Et pourtant ! En un an, je fis prĂšs de 12 000 km, sous la pluie, la neige, les tempĂȘtes ! Je malmenai ma 125 sur des trajets de 400 km, soit plus de 7h de route. Quâest-ce quâelle en a bavĂ©, Blue Pill, et elle me lâa bien rendu ! EnchaĂźnant chute sur chute, dĂ©rapages incontrĂŽlĂ©s, wheelings accidentels, les pointes dĂ©passant les 125 km/h, et les bidouillages incessants pour rouler toujours plus loin ! Câest beau, lâamour vache !
Un an aprĂšs, la flamme est dâautant plus forte : je suis dĂ©sormais persuadĂ©e que jamais je ne porterai du Chanel. Aucun parfum ne couvrira celui de lâessence, des bois et des embruns bretons, trio parfait dĂ©sormais indissociable de ma conception du bonheur.
Texte et photos : Marie Proisy
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