Des groupes de motards, il y en a à la pelle en Bretagne ! Il n’est pas difficile de rouler à plusieurs, ou de se réunir au bar pour partager ses exploits et ses mésaventures. En revanche, les groupes de motardes sont bien plus rares. On ne les imagine pas forcément parler moto, mécanique et performance. Certains les voient même comme des groupes appelant à faire scission avec les groupes mixtes, parce que « entre filles, c’est mieux ! ». Un groupe rennais nous prouve le contraire : les Roazhon’s bikeuses fêtent cette année leurs 5 ans d’existence. Rencontre avec les trois piliers du groupe : Claire, Nolwenn et No.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer ce groupe ?
On a vu qu’il y avait un besoin, parce qu’il y avait des filles qui n’osaient pas forcément venir à un évènement motard, qui n’osaient pas forcément faire des balades mixtes (car on connaît le milieu de la moto)… Ni même poser des questions, surtout les débutantes, qui ne se sentaient pas forcément accompagnées comme elles l’auraient voulu dans les groupes mixtes. Il y avait aussi cette volonté de rouler en groupe sans avoir le jugement de valeur que peuvent avoir certains hommes vis-à-vis de la moto. On avait créé une page Facebook pour voir la tendance, et puis on a fini par créer un groupe privé et c’est parti comme ça.
Et comment vous avez commencé à recruter ? Par le porte-à-porte ?
Le bouche-à-oreille, clairement. Nos copines motardes d’abord, qui elles-mêmes ont invité d’autres copines. C’est vraiment arrivé comme ça. Comme le covid quoi. Une pandémie de Roazhon’s !
Une question super importante : est-ce que vous avez un terrible et sombre rite initiatique ?
*Rires* Alors c’est vrai que la présentation sur le groupe des Roazhon’s Bikeuses est obligatoire, après non, il n’y a pas de rite initiatique, à part le fait de intégrer les nouvelles lors d’un premier évènement type afterwork ou balade au sein du groupe : on leur pose des questions, on veut être conviviales… Et bienveillantes aussi ! Et sinon on prend le bottin, on leur pose des questions, on leur met une lampe dans la tronche en disant « Nous avons les moyens de vous faire parler ! »
*Rires* ça toujours été comme ça, pas de jugements : il y a toujours eu des motardes de passage, des gens qui viennent, qui ne viennent plus. Quelqu’un qui ne vient pas pendant deux ans et qui revient, c’est pas grave ! Il n’y a pas d’histoires comme ça, car on sait toutes qu’on demeure des femmes, et qu’à un moment donné la maternité va prendre le dessus aussi. Il y a des femmes qui vont avoir un enfant, l’élever, et qui vont décrocher du groupe. C’est pas pour autant qu’on va les exclure. On est plus de 300 membres, les actives, ça tourne. Il n’y a pas de chasse aux fantômes, on n’a quasiment pas de modération à faire. On n’a pas remarqué beaucoup de départs. Nous, on propose quelque chose, si elles n’adhèrent pas, on ne va pas les dénigrer si elles partent. On ne peut pas plaire à tout le monde dans une communauté, mais on compose avec les caractères de chacune, même nous trois, on a des tempéraments différents, et pourtant on s’entend bien. On sait faire la part des choses, on n’a jamais renvoyé quelqu’un. Il y en a juste une qui est partie d’elle-même.
C’est bien, vous faites comme les entreprises : vous les poussez à partir d’elles-mêmes pour ne pas avoir d’indemnités à payer !
*Rires* Il y a peu de situations de conflits chez les Roazhon’s Bikeuses, et dans ce cas-là, on discute sans faire de jugement arbitraire. On laisse le bénéfice du doute. On est un petit groupe aussi, c’est plus facile à gérer. De toute manière, on est toujours dans la concertation. On n’a pas eu de problème d’ambiance, tout le monde a un bon état d’esprit.
Vous avez eu des problèmes avec les autres groupes de motards ? Quand vous avez créé le groupe des Roazhon’s Bikeuses, on vous a reproché quelque chose ?
Ils ont rigolé, et on appelait soi-disant à la division, alors qu’on répondait à un besoin ! Maintenant si on est le nombre qu’on est, c’est qu’on répondait à un besoin des femmes de se retrouver autour d’une passion commune sans encore une fois être jugées. Cas typique : quand on a un problème mécanique, on veut comprendre, on veut faire nous-même. Généralement, un homme va nous proposer de faire à notre place. On sait que c’est un peu stéréotypé, mais c’est la réalité du terrain. Alors que là, par rapport à une panne on va supposer des choses et libre à elle de vérifier. Il y a un archétype qui est « la femme qui fait de mécanique, ça n’existe pas », ou alors elle va faire « Ma moto elle démarre pas, je comprends pas », et les mecs rappliquent en mode superhéros, le prince sur son cheval blanc. Après, les groupes ont vachement évolué : avant, dès que tu posais une question mécanique, tu te faisais lyncher. Maintenant, c’est un peu moins. Heureusement.
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Dans un groupe de filles, on imagine souvent les motardes soit en SDS soit full cuir ou latex… Mais dans la réalité, comment ça se passe ?
En vrai c’est pas comme ça : quand t’enlèves ton casque, t’es décoiffée, t’as le rimmel qui coule, tu te prends du vent quoi ! Après il y a deux types de nanas : les nanas qu’on dit SDS, y en a, on les trouve surtout sur les groupes mixtes mais elles ne cherchent pas forcément la moto donc on les trouve pas chez nous. Chez les Roazhon’s Bikeuses, on a quasiment que des motardes qui ne veulent parler que bécane. On vérifie s’il y a aussi une véritable appétence pour la moto ! Et puis la localité : on voulait se concentrer sur l’Ille-et-Vilaine et limitrophes pour garder une identité bretonne.
Et en ce qui concerne le nom du groupe ?
On a créé un sondage. On avait « motardes de Rennes », « Roazhon’s rideuses », « Roazhon’s bikeuses » Mais toujours ancré sur le territoire. Le vote a donné Roazhon’s bikeuses.
No : Pour le premier afterwork, on n’avait pas de table attitrée donc j’avais écrit sur un vieux bout de carton « Roazhon’s Bikeuses ». Claire a gardé le papier, ça fait 5 ans qu’elle l’a ! Il trône sur une étagère.
Le logo, il vient d’où ?
Il a été voté, on a fait appel à des gens qui savent dessiner. On avait une motarde casquée, juste une moto, une fée clochette à moto… Il y avait la question des ailes. Dans le cahier des charges, il y avait « marquer l’identité bretonne » : on voulait la fée de Brocéliande, parce qu’elle est super badass ! Et on aime la légende arthurienne. Mais pas un truc trop girly et cliché comme sur d’autres groupes. Le logo fait très « groupe de motards » et pas « groupe de filles qui font de la moto ». Avant d’être des nanas, on est des motardes, c’est ce qu’on voulait mettre en avant. À cette époque il y avait un magazine « Motarde » qui venait de sortir, avec une perception très cliché. C’était « quel casque choisir pour faire du scooter », « le maquillage pour les motardes ». On voulait surtout pas ça…
Vous n’êtes pas dans des problématiques de filles…
Non, on est dans des problématiques de motardes. C’est ça la différence.
Vous n’êtes pas en mode girl power « girly » qui peut amener à ne plus fréquenter des groupes mixtes.
Ah non ! On continue à fréquenter des groupes mixtes ! Pour nous, c’est plus un complément, pas quelque chose qui va te mettre dans un carcan. C’est vraiment un besoin complémentaire. On ne veut prendre la place de personne. Quand on a monté le groupe, il y a eu une crainte de « Elles vont toutes se barrer de chez nous ». Ils ont pris peur, mais c’était pas le but. C’est un groupe comme un autre.
Quel style de moto vous avez majoritairement ?
Tout. C’est plutôt des roadsters, mais aussi pas mal de sportives. Depuis 3 ou 4 ans, il y a une pellée de nanas qui venaient de passer le permis. C’est pareil que chez les motards au niveau ratio. Il y a aussi des customs, mais peu. On n’est pas figées non plus ! On a hésité sur « rideuses » et « bikeuses » dans le nom, et puis on a trouvé que « bikeuses » fédérait plus. Dans le « rideuses », il y avait plus une connotation « arsouille », et on ne pousse pas au vice « il faut arsouiller à fond ». Chacune est responsable de ses actes, mais on ne veut pas prôner la mise en danger de soi et des autres.
Vous avez toutes les cylindrées et tous les âges ?
Oui, mais on n’a pas de 50cc je crois. On a les jeunes permis de 18 ans jusqu’à plus de 60 ans. C’est tous les âges, tous les types de moto. Après il y en a des assez des vieilles qui passent tout juste le permis aussi !
Pour tout ce qui est activités hors-ligne, est-ce que vous pouvez expliquer ce que sont les afterworks par exemple ? Ou si vous faites des balades ?
On n’a jamais organisé des balades « Roazhon’s bikeuses », c’est plus des balades au débotté. On voit que le credo c’est qu’on a une vie à côté. Les afterworks, c’est le jeudi, parce qu’on passe le week-end en famille ou avec les amis. Et puis il y a des balades organisées par les groupes mixtes, on n’a pas le temps de tout faire. On base nos horaires en fonction des autres réunions de groupes pour ne pas avoir à choisir. On sait que les autres existent et on en tient compte. Tous les derniers jeudis du mois, on se réunit. On accueille les nouvelles… Les filles se présentent parfois en ligne, mais n’osent pas venir en vrai, par peur de l’effet de groupe. On est un noyau dur d’une vingtaine de personnes, et les nouvelles ont peur des autres. On leur dit qu’on mord pas ! J’ai le souvenir d’une 125 qui nous a dit qu’elle n’osait pas venir. On a bu un verre ensemble avant de rejoindre le groupe le lendemain. Elle devait arriver, elle a eu plein de galères sur la route… Du coup on est arrivées toutes les deux à la bourre. Elle est restée pas mal en retrait, et en partant, elle m’a dit qu’elle avait trouvé ça trop cool et qu’elle reviendrait. C’est dommage que certaines n’osent pas, parce que les plus anciennes les prennent sous leurs ailes. Mais les venues à l’afterwork sont souvent déclenchées par des balades où on n’est pas trop nombreuses, ou pendant les GP (on était deux ou trois à suivre au début, et maintenant on doit réserver deux tables). C’est souvent difficile d’intégrer des groupes, alors on essaye d’être ouvertes, on montre qu’on se prend pas la tête, on fait de la place. En tant que nanas on est aussi habituées à devoir faire nos preuves, à faire notre place dans un groupe, et quand on arrive chez les Roazhon’s on a encore cette habitude, et c’est surprenant de voir qu’on n’a pas à le faire. Personne n’a besoin de faire preuve de quoi que ce soit, loin de là.
Un souvenir marquant d’une balade ou afterwork ?
Claire : Pour moi, c’était le premier afterwork, on pensait qu’il n’y aurait personne, et finalement on était une dizaine ! C’était beaucoup pour une première fois !
No : Pour moi c’était aux Trois brasseurs, il faisait super beau, et on avait réussi à rameuter 20 motardes, 12 motos ! C’est énorme. On a fait aussi la manif pour les 80 km/h ! On est aussi allées à « Toutes en moto »…
Claire : moi non, j’avais les enfants et la Ducati était sûrement encore en panne.
Nolwenn : on vient habillées Roazhon’s, mais on va pas être fermées, entre nous. C’est sympa d’avoir notre petit signe. J’aime bien ce symbole d’union. On cherche pas non plus à trop s’afficher parce qu’on ne veut pas s’attirer de problèmes.
Qu’est-ce que tu entends par problèmes ?
On pourrait se faire emmerder par des MC, mais on ne se déclare pas comme groupe officiel ! On n’est pas une association. C’est un groupe informel. On est juste un groupe de motardes qui boivent des coups, on a le droit d’avoir des pulls avec un logo dessus. La question s’était posée de faire des patchs à mettre dans le dos, mais on pourrait se le faire arracher, voire pire. On se revendique rien du tout, on est juste des gens qui se retrouvent. Ça fait 5 ans que c’est comme ça, et ça se passe bien, on n’a pas besoin de plus. On n’embête personne et personne ne nous embête.
Un message pour les motardes intéressées ? Et aux motards qui connaîtraient des motardes intéressées ?
« Allez viens, on s’en fout » ! Ou alors « Venez comme vous êtes ! », un peu comme Mac Do, sauf qu’on fait pas de la malbouffe. On boit des bières ! Et on mange bien ! On est ouvertes, venez même juste par curiosité ! Si ça vous convient pas, tant pis… On continuera à faire nos trucs dans notre coin, quoi qu’il arrive ! Les maîtres mots du groupe sont « passion, bonne humeur et bienveillance » ! Faites-vous votre idée par vous-même, contactez-nous pour être au courant pour les évènements privés…
Pour les anniversaires du groupe Roazhon’s Bikeuses, on accepte les conjoints ou les amis. Ce sont les seuls évènements ouverts aux motards. On s’est dit que c’était sympa d’ouvrir, les mecs étaient hyper contents de voir que ce n’était pas un caprice de leur copine, que c’était un vrai groupe. Les questions avec les hommes sont toujours constructives, ils sont curieux, on parle d’égal à égal… On est pour l’égalité des femmes dans le milieu de la moto. À notre niveau on fait bouger les lignes, et en 5 ans, on a vu une bonne évolution.
Qu’est-ce que vous avez respectivement comme moto ?
No : Une Harley Davidson Iron XL N 883, parce que j’aime les customs, que c’est la moto de mes rêves quand j’étais gamine, je voulais absolument un custom pour commencer ! J’ai eu au début une Virago qui n’arrêtait pas de tomber en panne (elle a passé plus de temps au garage que sur la route). J’ai acheté l’Iron en A2 à un mec qui n’avait pas du tout la tête à rouler avec, genre il m’accueille en claquettes/chaussettes. Je me souviens quand je suis montée sur la moto : je démarre, là j’entends le son qu’elle fait, je demande au mec « Ce n’est pas l’échappement d’origine ? » il me répond que « Si si ! » et je lui dis « Nan nan ! » Et bref, c’était mon rêve de gamine, le côté noir mat un peu rebelle. J’aime ce côté un peu biker, même si ça pèse un âne mort et pas évident à manier. J’ai commencé sur une moto un peu technique, mais plus je la conduis, plus je la kiffe.
Nolwenn : Moi je roule en Triumph Tiger Sport. Tout simplement, parce que je suis raisonnable. Je roule pépère maintenant. C’est tranquille sur route… C’est juste, bien…
Claire : moi j’ai commencé avec un MTX50, elle était trop bien. Elle tournait très mal, mais je me suis fait des poilades dans les chemins de campagne ! Et quand j’ai passé mon permis (le A direct à l’époque), j’hésitais entre le Hornet et le Monster, et j’ai fait le choix de raison : le Monster. J’ai toujours été passionnée d’Italiennes, et j’ai toujours ma première Monster. J’aimerais passer sur de la MV, donc de la brutasse, mais ça sera pour plus tard.
Texte : Marie Proisy
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