En mars, au moment de publier l’article de Val qui est allée découvrir l’ex-Yougoslavie en Ducati, je me disais qu’il fallait être bien allumé. Je pense avoir trouvé pire avec Caro qui nous raconte son périple avec son chopper HD… Rigide.
Gamine, j’avais déjà un côté téméraire (quoique toujours prudent). Avec l’âge, mon goût de l’aventure n’a cessé de se prononcer et l’idée de ce roadtrip Italie-Slovénie-Croatie en rigide, m’est venue comme une envie soudaine.
Pourquoi choisir des pays à l’autre bout de l’Europe et se faire du mal sur un rigide ? Pour un dépaysement total et un réel besoin de voir ce que j’avais dans le ventre. Ah oui, sinon, moi c’est Caro, 29 ans, Bretonne au rire de hyène assumé et je vais vous raconter mon périple.
Les pannes ? C’est pour pimenter le trip !
Il m’aura fallu plusieurs mois pour organiser ce voyage : préparer le roadbook, réserver mes points de chute nocturnes, repérer les endroits à ne pas louper, et préparer la moto, c’est toujours utile ! D’ailleurs, ma monture ? Un 1200 Sportster monté en chopper dans le fin fond du garage. Pas encore fini, un peu capricieux mais à mon image et comme je l’ai imaginé.
Partir avec un tréteau, le challenge était donc de taille ! Et n’en déplaise aux aficionados des trails et compagnie, on peut aussi parcourir des bornes en V-Twin et en rigide (si, si, je vous assure) ! Les pannes ? C’est pour pimenter le trip !
Thor a joué de son marteau
Une fois le paquetage sanglé sur le sissy bar, le bidon de 5 litres d’essence calé dans la sacoche, et le sourire jusqu’aux oreilles, je suis donc partie un petit matin d’avril pour un voyage de 15 jours.
J’ai donc roulé de Rennes jusqu’à Lyon la première journée, histoire de ne pas perdre trop de temps et d’atteindre rapidement la frontière franco-italienne. Le lendemain, j’étais déjà en Italie. Et j’avais déjà épongé des kilomètres sous la pluie : Thor a joué de son marteau en me frappant de 3 orages. Le ton était donné : j’allais me faire saucer quasiment tous les jours.
J’ai quand même pu profiter de la chaleur et du soleil lors de ma halte en Vénétie. J’étais à quinze minutes de Vérone, chez l’habitant et je peux vous dire qu’après une journée comme celle-ci, un bon lit, ce n’était pas de refus.
Entourée par des montagnes vraiment immenses
J’ai repris la route après avoir fait deux-trois bricoles sur ma moto, direction Bovec en Slovénie. Je fonçais droit vers ce pays inconnu et je voyais déjà les immenses montagnes s’élever. Avant d’attaquer les routes sinueuses, je fais un petit arrêt, histoire de remettre ma combi de pluie par précaution et de prendre une grande bouffée d’oxygène pour évacuer le stress qui montait en moi : car oui, les routes de montagnes, je dois l’avouer, c’était un défi pour moi avec le chopp. Mais j’étais décidée à les gravir et à même les apprécier.
Me voilà donc tel Rossi (non, je plaisante) à m’engouffrer sur ces petites routes sinueuses tout en m’émerveillant du paysage que je découvre. Je fais une pause avant d’aller rejoindre mes hôtes à Bovec : je suis entourée par des montagnes vraiment immenses, j’ai une vue à 360° incroyable. Je m’en délecte encore quelques instants et je file découvrir Bovec et manger dans un ptit resto pour finir par une bonne nuit de sommeil.
C’est beau, tout simplement.
Le lendemain, je prends le temps de petit déjeuner sur la place de Bovec, toujours en admirant les montagnes. Ce que j’ignorais, c’est que j’allais vivre une journée particulièrement hors du commun. J’enfourche donc mon chopp aka Witchy Chopper, et je longe la rivière Soka. J’ai croisé beaucoup de motos, des trails et des roadsters : cette partie de la Slovénie est très appréciée des motards, notamment pour ses routes à virolos qui mènent au Triglav Narodni Park, une des plus grandes réserves naturelles d’Europe et qui fait la fierté des Slovènes. Je ne dénote pas du tout avec mon engin, non, non ! Je prends le temps de me balader et de poser mon fessier royal au bord de la translucide rivière Soka : c’est beau, tout simplement. Il fait chaud, le bruit de l’eau qui cascade à travers la montagne m’enchante.
Je reprends mon brêlon et c’est parti pour l’ascension du Triglav. Les routes sont en assez mauvais état, vous avez plutôt intérêt à ne pas faire de zèle. J’attaque la montée et dès la première épingle, je me dis que ça va être sport, très sport: les virages sont très serrés et avec ma fourche longue, ce n’est pas du gâteau! Je grimpe, je grimpe et je sens la température chuter de plus en plus. Je viens à bout de l’ascension et là, surprise, je découvre des monts enneigés ! Le spectacle me saisit, je béquille la moto et je vais marcher dans la neige en faisant des bonds comme une gamine de dix ans. L’ébahissement est total, je ne m’attendais pas à un tel contraste.
Attention aux «stones» sur la route…
Je reprends donc la route pour, cette fois, redescendre le mont de l’autre côté. Un Autrichien m’avait prévenu de faire attention aux «stones» sur la route. Je me dis qu’il s’agit de chutes de pierres, communes en montagne.
Au premier virage : la déroute. Je découvre que chaque épingle est pavée (et je comprends alors que le motard voulait me dire «cobblestones»). Me voilà donc à dévaler des routes défoncées, tortueuses, pavées, le tout poursuivie par un ciel menaçant. Je réussis à rejoindre les plaines et je continue mon périple jusqu’à la prochaine maison d’hôtes.
Passage obligé par la ville de Bled
Le lendemain, je roule de nouveau à travers les montagnes et les plaines. Le temps est ensoleillé, les paysages à couper le souffle, je me régale. Le matin, passage obligé par la ville de Bled et sa petite île, la seule en Slovénie. J’embarque sur une espèce de petite gondole, le batelier nous fait traverser le lac, au son des clapotis de l’eau et des rames. C’est reposant. Je pose un pied sur l’île, qui abrite notamment une église néogothique du XVème siècle.
Je me paye une glace et je fais le tour de cette micro île : c’est bleu et vert, c’est très bien entretenu, c’est calme. Je m’assois sur la berge et je profite de ce moment loin de tout.
Il est temps de retraverser le lac et de reprendre la route pour aller aux Gorges de Vingtar. Malheureusement, je fais chou blanc car elles sont fermées pour cause d’éboulement. Je suis quelque peu déçue mais j’assiste à une scène pittoresque : une famille de vaches et leurs bébés qui cavalent en meuglant, jusqu’à la rivière où j’ai garé mon chopp, faisant teinter leurs cloches et qui m’offre un joli moment me redonnant le sourire.
Un énième orage m’arrive sur la figure
Je décide donc de prendre la direction du lac de Bohinj. La route est toujours aussi incroyable, clairement, je m’éclate. J’alterne entre des prairies et des rivières, je traverse de tout petits villages complètement dans leur jus et aux couleurs locales. Pas de fioritures en Slovénie, j’ai trouvé ce pays très authentique et avec beaucoup de charme. J’arrive au lac, immense. Les montagnes se réverbèrent dans l’eau, donnant un effet miroir superbe. Je m’assois au bord du rivage, le chopp n’est pas loin et j’observe ce paysage grandiose. Soudain, je sens le vent tourbillonner et le ciel se noircit : un énième orage m’arrive sur la figure.
Car oui, tous les jours en Slovénie, j’ai pris la flotte et notamment des orages à partir de 17h. Et je peux vous dire que ça n’a rien à voir avec la pluie bretonne ! J’ai fini trempée quasiment chaque soir malgré ma combi de pluie. Je file donc sur mon piège et je me perds littéralement dans la montagne.
Cela a dû bon parfois de jouer sa blonde car j’arrive tout en haut d’un chemin sans issue où je découvre un petit village caché dans des monts vallonnés verdoyants. Je me délecte de l’endroit, je repars et je finis par retrouver mon chemin. Je fonce vers Ljubjana et j’en profite pour faire un petit arrêt pour la cité médiévale de Sofka Loka.
L’imposant Château des Dragons
Je m’endors en deux minutes le soir et le lendemain, je pars visiter la capitale sous une chaleur de plomb. Je monte notamment jusqu’à l’imposant Château des Dragons de la ville. Il est dans un état remarquable. Je gravis les innombrables marches de la Grande Tour, qui, arrivée en haut, m’offre à 360° une vue d’un tiers de la Slovénie, rien que ça ! J’ai les cheveux au vent, je suis bien.
Je redescends pour continuer ma visite et je prends le funiculaire du château qui m’amène directement dans le centre-ville. Je fais une pause déj, je déambule quelque peu, j’admire l’architecture et c’est reparti on the road.
Je m’enfonce dans les terres et je fais une halte au refuge Rozman. C’est un endroit bien caché mais qui vaut vraiment le détour. Il est tenu par un père de famille qui récupère des animaux maltraités, malades, abandonnés. J’ai pu passer du temps avec chameau, biches, autruches, porcs-épics, chevaux, coati à nez blanc, chouettes, pour ne citer qu’eux. J’ai surtout été face à un ours immense et trois loups, dont deux loups blancs. On ne voit pas cela tous les jours et je suis heureuse d’avoir pu passer du temps avec ces animaux.
Pas d’autre choix que de l’affronter
Je retourne sur mon chopp direction mon point de chute pour la nuit. Un orage assez violent me donne un bon coup de stress : la route est complètement trempée, je roule dans une piscine. Ma moto chasse et depuis quelques jours, l’avant me joue des tours. Je serre les fesses, j’en chie dans un foutu dénivelé à 25% à descendre avec de l’eau qui ne cesse de ruisseler, je perds mon calme, je souffle, je me dis que de toute manière, je n’ai pas d’autre choix que de l’affronter. Je gère donc du mieux que je peux et miracle, j’arrive entière.
Je tombe chez une Slovène rustre mais très accueillante. Les habitants de la Slovénie peuvent paraître durs aux premiers abords, la vie de montagne n’y est pas facile, mais leur bon levé de coude leur permet de tenir bon. Une fois la première impression dépassée, j’ai découvert des gens très serviables et amicaux. Je dîne comme un prince et je file m’endormir dans les bras de Morphée.
à des mètres sous terre
Le lendemain, je passe une journée placée sur le thème de l’eau : pluie, pluie, pluie, ah, et boue aussi ! J’ai eu le privilège d’explorer les grottes de Krizna Jama pendant quatre heures (cette visite n’est accessible que pour mille personnes par an). Avec mon guide passionné Marco et un couple, nous descendons dans les profondeurs ténébreuses et fascinantes de cette grotte. Ici, pas de lumière artificielle, ni de chemins bétonnés et balisés : tout se fait à la frontale et il faut crapahuter. Autant vous dire que pour une nana qui aime la spéléo, j’ai adoré ! On a les bottes dans l’eau, on gravit des rochers, on admire la roche façonnée par le temps et les éléments, on navigue dans un bateau pneumatique sur les quelques vingt-quatre lacs de l’antre des ours (ils viennent y trouver refuge l’hiver). Il n’est pas facile de décrire ce moment tant il est littéralement hors du temps, loin de tout et magique. Je suis à des mètres sous terre à m’émerveiller de la richesse de la nature, en ramant dans mon bateau : incroyable ! Je finis par rejoindre et la surface après plusieurs heures de découvertes et la pluie, qui ne m’avait pas manqué.
Massage et bains d’eau chaude
Direction Toplice. Je me suis concocté une soirée cocooning bien méritée : moment de détente avec massage et bains d’eau chaude aux thermes de Dolenjske Toplice, à l’orée de la forêt (oui, je reste une fille malgré tout) avant de finir dans un petit resto incroyablement bon et pas cher (les slovènes savent cuisiner, croyez-moi ! Cela m’a même surprise !). C’est ma dernière soirée en Slovénie, je la savoure, elle est juste parfaite.
C’est parti pour la Croatie !
Au matin, je refais mon paquetage pour la 150ème fois, et surtout, je vérifie ma moto. Car oui, bon, je nous ne vous ai pas tout dit : j’ai perdu la béquille, je checke l’huile, la chaîne, je revisse tous les jours quelque chose à cause des vibrations, et surtout, je m’inquiète de plus en plus car l’avant vibre de plus en plus et devient assez incontrôlable. Je garde mon sang-froid et c’est parti pour la Croatie !
Pour ne pas changer et vous faire marrer, je prends toujours la pluie. Ma première soirée en Croatie se passe bien, je suis chez l’habitant, au bord d’une petite rivière où j’entends les canards et les oies. Je continue mon chemin le jour suivant et je m’arrête aux Lacs de Plitivce. Les photos parlent d’elles-mêmes : c’est immense, vert et bleu. Je suis littéralement saisie par la beauté du lieu. La nature a créé un endroit absolument unique, où l’eau côtoie les bois, créant des cascades à côté desquelles je me sens minuscule. Je traverse des pontons de bois qui permettent l’accès à différents points de vue des lacs : c’est à couper le souffle. Je fais tout le tour, le cuir me colle un peu aux fesses mais ce n’est rien à côté de ce que je vis. Je reprends le bateau à moteur pour retrouver ma bécane. Sur le parking, des polonais m’aident à resserrer ma colonne de direction afin d’éliminer les problèmes que je rencontre depuis quelques jours.
L’impression d’être une marionnette
Me voilà donc repartie pour de nouvelles aventures ! Je traverse la partie ouest du pays, où je circule dans des villes et villages dont les bâtiments criblés d’impacts de balles témoignent encore du passé. Le paysage change au fur au mesure des kilomètres et je me retrouve en fin d’après-midi sur la côte adriatique. Et là, j’ai vécu un enfer pour être tout à fait honnête.
Je me suis retrouvée coincée entre la mer et la montagne, avec un vent latéral d’une puissance inégalée. Ma moto chassait dans tous les sens, la violence du vent était telle qu’il m’a déportée dans le terre-plein de la voie de gauche. J’avais l’impression d’être une marionnette. J’agrippais mon guidon de toutes mes forces en priant les Dieux du Métal de me ramener vivante.
Parce que oui, j’ai eu peur. Les roadtrips, ce n’est pas toujours tout beau, tout rose. Chaque virage, chaque ligne droite étaient un véritable calvaire. J’ai tenu bon, non sans mal et quelques larmes mais j’ai réussi à atteindre mon appartement.
J’ai donc pris la décision de rebrousser chemin et ne pas continuer vers la Croatie. Je suis donc repartie dans l’arrière-pays pour repasser par la Slovénie et me rabattre sur l’Italie.
Le cadre était cassé
Et comme j’aime l’aventure, c’était sans compter sur mon chopp qui a décidé de me jouer des tours. Comprenez : je perds un silencieux, le temps que je m’en aperçoive, j’étais trop loin pour le récupérer. Mais comme je ne fais pas les choses à moitié, la perte du pot a révélé un problème qui a soudainement expliqué mes soucis de direction : le cadre était cassé (on ne se moque pas les bougres, on se délecte de ce récit !).
Petit gros moment de solitude : j’étais dans la région de Trieste en galère totale. La solution : un SOS sur Facebook et en une heure, Jimbo, une connaissance, me met en relation avec son ami Marco. Le lendemain, la moto est chargée dans son camion et il m’emmène chez Max, le propriétaire de Number 8 Workshop. Avec son mécano, Andréa, ils font tout le tour de mon chopp et le remontent d’aplomb afin que je puisse rentrer en France en toute sécurité. Je ne les remercierai jamais assez pour leur gentillesse, leur temps, leur accueil, leurs conseils, les cours de mécanique et les pizzas !
Je reste donc quelques jours en Italie avec eux, Marco et sa copine Valentina me font visiter leur ville et découvrir la cuisine italienne locale. Ce n’était pas prévu mais c’est une panne qui m’a permis de faire des rencontres géniales.
Joker !
La fin du roadtrip approche et je reprends la route vers la France.Mon chopp aura tenu 6000 bornes. Et moi aussi. Il a dit stop sur les 300 derniers kilomètres. Je me suis retrouvée sur le bord de la route à démonter mon carbu pour finalement comprendre que le problème ne venait pas de là. J’ai dû me résoudre à faire appel à mon joker pour rentrer à la maison. Je me dis qu’il vaut mieux dans ce sens qu’à l’aller !
Le bilan ?
Ces 15 jours sont passés très vite ! J’ai pu voir des paysages et des endroits incroyables. J’ai rencontré des gens avec qui j’ai beaucoup aimé échanger et qui ont pris le temps de parler avec moi. Il y a eu plein d’émotions : de la joie, de l’excitation, du bien-être, de l’émerveillement mais aussi des pleurs, de la panique, des frayeurs. Se retrouver face à soi-même et à sa moto est le meilleur moyen d’apprendre, d’observer, d’écouter. J’ai aimé mettre les mains dedans, ça pousse à se débrouiller seule et à connaître sa bête.
Ce trip était avant tout une introspection personnelle, un moyen de pousser mes limites et de dépasser mes peurs. De prendre ce chopp aussi caractériel que moi en main sur une vraie longue durée. Et d’encourager les femmes à rouler pour elles et par elles-mêmes.
Je compte bien continuer à rouler sur mon rigide et à explorer d’autres contrées. J’en profite pour remercier toutes les personnes qui m’ont encouragée, conseillée, soutenue. Merci Olivier d’avoir pu me laisser m’exprimer.
See you on the road, CFFC !
Les pannes qui ont pimenté le trip :
Une béquille qui se fait la belle, un pot qui s’enfuit, un cadre qui casse, un problème de carbu (de batterie en fait).
Suggestions de lecture à propos de road trip :
– « Ici, la distance entre vos pensées et le ciel est infime »
– Et quand c’est bon, on y revient – quelques mois plus tard
– Le Mot’Armoric découvre la Corse !
Une réflexion sur « Italie-Slovénie-Croatie en rigide… »
Les commentaires sont fermés.